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BLEU DE TRAVAIL

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“Le bleu de travail, le grand uniforme des métiers”

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Recherches de la costumière du spectacle Julie Dhomps sur le « bleu de Chine », cet uniforme de l’ouvrier ou paysan chinois qui a su infiltrer toutes les couches sociales de la mode.

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L'Anti Cher

Dans les années 30, un français associé à un chinois importent sous la marque Anti Cher, destinée au marché francophone des colonies, des milliers de ballots du fameux « bleu de Shanghai », celui des paysans et travailleurs chinois.
 

Ils répondent simplement à la demande et au succès foudroyant de ce modeste uniforme, connu par ici depuis des temps ancestraux grâce à la route de la soie, qui passe aussi par le bassin méditerranéen.

 

L’uniforme est distribué sur le marché oriental et va connaître un destin surprenant

quand plus tard, dans les années 70, la mode du bleu de Chine devient tout à coup

culturelle et très parisienne.

 

C’est l’époque où Agnès b. vend ses modèles de bleu de Chine Anti Cher dans sa

première boutique parisienne, le petit uniforme modeste fait ses débuts dans

la mode.

 

En 2010 l’Anti Cher est devenu complètement chinois mais sans plus trop de succès

sur sa terre d’origine, il est alors racheté par le fils de l’importateur historique, qui

conserve le modèle et assure le suivi de sa fabrication traditionnelle.

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Christian Dior

Une tenue culte

L’ensemble chinois ou Mao, est reconnaissable entre tous par son bleu indigo intense, la boutonnière chinoise et le col Claudine de sa veste, et son pantalon à la coupe chino, avec une braguette boutonnée et une taille réglable.

Un symbole 100% coton directement venu de chine qui a traversé des époques plus ou moins révolutionnaires jusqu’à nous, et des univers aussi éloignés que ceux du travail et de la haute-couture.

 

Ceux qui savent reconnaître une bonne coupe ne s’y tromperont pas, au delà des symboles historiques : Yves Saint Laurent comme toujours, ou Michel Klein aujourd’hui, dont c’est la veste fétiche, n’hésitant pas à la mettre en tête de son défilé Guy Laroche au Ritz en 1994, ou encore Inès de la Fressange toujours au fait des classiques.

Si son apparition dans la mode est définitivement liée aux jeunes maoïstes révolutionnaires parisiens de 68, adeptes du «Petit Livre rouge » à St-Germain-des-Près, et si dans notre inconscient collectif il est le symbole de la chine révolutionnaire de Mao Zedong, son origine est bien plus ancienne.

Interdisant la qipao, vêtement traditionnel devenu symbole du capitalisme, Mao Zedong, impose à tous le bleu de travail et les vestes molletonnées des classes paysannes et laborieuses.

 

 

 

Il s’inspire sans doute du philosophe Sun Yat-sen, dont c’est déjà la tenue quotidienne au début du XX° siècle. Artisan de la république et fondateur du Guomindang, celui-ci l’emprunte aux paysans chinois pour illustrer sa théorie jusque dans son costume.

Ce vêtement de travail est en fait ancestral dans la campagne chinoise, solide et facile à mettre, tout y est pensé pour être utile. L'indigo a d’ailleurs la réputation de protéger des piqûres de moustique, bien utile dans les rizières. C’est avec toutes ses qualités qu’il a même conquis les rives de la méditerranée (orientales et occidentales) bien avant les terrasses du 6ème arrondissement de Paris.

Rapporté de la lointaine Chine par des navigateurs qui approvisionnaient les docks des grandes villes portuaires de richesses chinoises, le Bleu de Chine, baptisé «bleu de Shanghai », bon marché, increvable, pratique, est devenu au fil du temps le véritable jean méditerranéen.

Après avoir conquis d’abord les gens des ports, dockers & pêcheurs, il plut aussi aux travailleurs des terres intérieures, éleveurs, bergers devenant ainsi l'uniforme du baroudeur corse, comme du vieux marseillais. On le croise partout en Algérie, Tunisie ou même en Egypte, il est adopté ici comme chez les sudistes pour ses qualités purement fonctionnelles.

Mais sa gloire « mode » est définitivement parisienne et contestataire, il est la coqueluche des soixante-huitards, dans la rue comme dans les réunions enfumées où l’on refait le monde, ou dans des zones plus glamour où l’art prend la pose marxiste. Jean-Luc Godard marque les esprits avec les bleus de chine de Juliet Berto et Anne Wiazemsky, qui les portent si bien dans le film La Chinoise. Le peintre César, sudiste aimant l'utile, l’adopte dans la foulée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est vrai que porter un costume quand on est un intellectuel de gauche paraît déplacé à l’époque et on réfléchit sans rire à la tenue de l’homme moderne. Michel Schreiber et Patrick Hollington, stylistes inspirés, théorisent d’ailleurs sur le concept et font un tabac avec leurs vêtements de travail à la coupe chinoise revisitée.

Voilà notre « Bleu de chine » mûr pour être repris par la mode, et une fois encore de manière très égalitaire puisqu’il va séduire toutes les couches sociales : dans les années 70, on peut le trouver chez Prisunic comme chez Kenzo, le plus français des japonais, qui l’intègre à ses collections dès 75, ou chez Agnès B. qui propose avec un succès fou dans sa toute première boutique des Halles, les modèles authentiques chinois trouvés à Barbès, griffés Filou et Anti-Cher, avant de produire les siens dans une belle crêpe.

Arrivé dans la collection hiver 1976-1977 chez Saint

Laurent Rive gauche, « le Bleu de Chine » oublie

totalement ses racines laborieuses pour s'habiller

de velours gansé d’or. Les prémices aristocratiques

d’un futur bourgeois bohème. Sa mue continuera

jusqu’à un pic : dessiné par Thierry Mugler en 1985 

pour Jack Lang, ministre de la Culture, il est porté

avec provocation jusque dans l’assemblée nationale

en 1985, ou pour Yves Mourousi qui ose le tapis

rouge du Festival de Cannes.

Source : www.detoujours.com

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Qipao tranditionnel

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Sun Yat-sen

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Photos du film "La Chinoise", JL Godard, 1967

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à l'Assemblée nationale, 1985

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